Bobby Lapointe : Ma mère est habile mais ma bile est amère… 

Les figures de style n’ont pas toujours un objectif de sens. Elles peuvent simplement flatter l’œil ou l’oreille. Faire plaisir. Exemple avec un article des Inrocks consacré à un livre sur le syndrome dynastique, « Fils et filles de…», (ed. La Découverte), on peut lire : « Les ghettos du gotha ». Belle paronomase, donc, cette figure de style qui consiste à  rapprocher des mots différents en sens mais proche en sons. Incendie/incident, Les mots aux sons proches ne manquent pas en français et rien ne vous empêche d’en  jouer à l’écrit comme à l’oral, sans en abuser.

En rhétorique, on parle d’argument dit « poétique ». Poétique, on voit bien, mais argument ? Parce que ces caresses sonores confèrent aux mots une élévation par simple effet de contagion. Ce qui est si bien dit ne peut être que fort…

Les politiques le savent bien,  qui en usent et abusent parfois. Tel  l’ex-président Hollande qui, dans son discours du  transfert des cendres au Panthéon de quatre héros de la Résistance, avait truffé son discours de paronomases comme cet hommage à Geneviève de Gaulle : « son courage comme une invocation, comme une provocation, comme une vocation.»  Prière de ne pas trop gratter le sens…

La patronne du Rassemblement  National est une spécialiste de la paronomase. Dans ses meetings, elle exalte régulièrement la ruralité en dénonçant « le béton et le bitume » de la ville. Et ne parlons pas de ses  «copains et coquins »…  Marine Le Pen ou l’art de tirer vers le bas par des mots qui élèvent…
Les rappeurs adorent les paronomases, surtout celles qui cognent :  ministre/sinistre, collision/collusion…  D’autres avant eux avaient déjà propulsé l’antique figure dans la modernité, comme les Surréalistes, les oulipiens et, bien sûr, Boby Lapointe, quelques décennies avant Akhenaton: « ma mère est habile mais ma bile est amère »… d’accord ça ne refait pas le monde mais ça reste dans la tête, l’un des objectifs de la paronomase soit dit en passant.