Matteo Salvini, fameux ministre de l’intérieur italien, est juché sur le toit de son bureau romain. En ce 11 octobre 2018 et dans une de ses quasi quotidiennes vidéos  pour son compte Facebook, il montre du doigt Rome et ses environs : « Là, près de Rome  il y a Latina, il y a la bonification de terres qui étaient jadis des marais et qui maintenant  sont des villes. Mais je ne sais pas si j’ai le droit de le dire, car c’est Mussolini  qui les a créées. Donc je dois nier ou faire semblant que cela n’existe pas. »

« Je ne sais pas si j’ai le droit de le dire » dit-il… après l’avoir dit. La prétérition c’est cela, prétendre ne pas dire ce que l’on dit.

La prétérition peut être une simple formule, un hommage : «Il est inutile de présenter M. Machin qui fut président de ceci, directeur de cela…». Mais, bien souvent,  son intention est  plus pernicieuse car elle vise à faire germer dans l’esprit du public des pensées qui  n’y étaient pas. Matteo Salvini glisse Mussolini dans les esprits italiens, dans la position avantageuse du bâtisseur  soucieux du développement de son pays. Les Italiens  peuvent finir le raisonnement tout seuls, à savoir que ce n’est pas le cas de la classe politique actuelle, « corrompue » et « incapable »… On n’est pas loin du  Make Italia Great Again, (autre figure de style, l’énallage).

La prétérition peut s’en prendre à un interlocuteur unique : « Je ne dis pas que M. Machin est malhonnête. » Non, mais dans l’esprit du public, vous venez de créer une association qui n’existait pas entre M. Machin et  la malhonnêteté.  La prétérition cultive volontiers le complotisme : « Je ne sais pas si ce sont les lobbies qui ont eu raison de la loi sur… » ou « Je ne sais pas si c’est un acte terroriste… ». Envie de répondre : « parlez-en quand vous saurez vraiment. »  Car la prétérition, elle, appartient à la famille des faux-arguments en rhétorique, des manœuvres oratoires : le public, fasciné, est  incapable de décoder  l’intention manipulatoire. C’est un pathos à bannir, donc, sauf pour les orateurs dénués de scrupules, naturellement.

Vidéo du discours (mn 21)  : CLIQUER ICI